Rencontres en pays Xa'xtsa
Je viens de passer un peu moins de 2 semaines à Tipella une des communautés de la nation Xa'xtsa (prononcer "Haktcha"), située à environ 100 km au nord-est de Vancouver (mais 300km de route).
Arriver dans ce village de 25 habitants, c'est déjà un voyage. Partie de Vancouver, je suis d'abord émerveillée par la vue sur Vancouver Island alors que nous longeons la côte.
Vue sur Vancouver Island et les îles Gulf
Nous avançons ensuite plus avant dans les montagnes et traversons Whistler (qui a accueilli les JO d'hiver de 2010) puis Pemberton.
Vue depuis le centre ville de Pemberton
C'est ensuite une route en gravelle qui nous emmènera à Tipella. L'association Indigenous Work Force travaille ici sur plusieurs projets avec la communauté, et c'est par ce biais que je suis là en tant que volontaire.
Il y a le jardin communautaire, dont s'occupe Victor qu'on appelle aussi Walker, et puis il y a un poulailler dont on nous a confié la mission de nous occuper des finitions avec les autres volontaires (heureusement qu'il y avait des bricoleurs dans l'équipe, parce que s'il avait fallu compter uniquement sur moi...). Il permettra d'accueillir une poule et ses poussins. Les habitants du village pourront donc avoir des œufs frais sur place! Ah oui parce que je ne vous ai pas encore dit, mais pour faire ses courses, il faut redescendre à Pemberton qui est à plus de 2 heures de route!
Le jardin potager et l'arrivée des poussins
Chacun s'apprête à apporter son poussin dans le poulailler. Maman poule n'est pas très contente pendant ce temps...
Inspection du potager
Récolte prometteuse...
Une des autres missions des volontaires à Tipella est en lien avec un camping aménagé en surplomb de la Sloquet river (prononcer "slocat") et surtout d'une source chaude et thermale qui s'y jette. C'est un lieu qui fait partie de l'histoire des Xa'xtsa et depuis récemment, le site est cogéré par BC Parks et par la communauté de Tipella. Des améliorations ont été apportées au camping, avec à terme l'espoir de créer un emploi local de gérant pour quelqu'un du village. Il y a du chemin à faire et surtout des financeurs à convaincre, mais en attendant, ce sont les volontaires qui vont récolter les droits d'entrée, nettoient et évacuent les poubelles. Ce travail pas vraiment difficile est récompensé par une baignade dans les hotsprings.... Que demander de plus? Le site est magnifique.
La rivière Sloquet et les premières piscines naturellement chauffées - la vapeur dégagée par la source nous offre des ambiances magiques...
la source thermale
La rivière en elle-même est aussi superbe et il y a de nombreux lieux sauvages à explorer dans les environs (aussi pour retrouver d'anciens chemins) ou tout simplement où s'arrêter pour admirer le paysage.
Sloquet river
La morphologie de la rivière et l'érosion ont formé des bassins d'eau turquoise cristalline...
Un peu plus bas, on s'enfonce dans la forêt humide
Les mousses sont partout! On a juste envie de faire une sieste sur ce matelas géant.
En poussant un peu plus loin, on arrive au lac Harrison.
C'est une aire d'exploitation forestière et le bois est flotté. Il rejoindra la rivière Fraser et le port de Vancouver de cette manière. Dans les environs, l'exploitation forestière bât son plein. Nous nous déplaçons la plupart du temps sur des routes qui ont été créées pour ça.
La route pour aller au camping. Plutôt étroite par endroits!
Alors pour ne pas se trouver nez à nez dans un virage ou sur un pont avec un camion chargé à bloc, chacun annonce à la radio sa direction (empty/loaded ou up/down selon les endroits), la route et le km. Le seul hic, c'est que les touristes n'ont pas de radio... Et ils vont parfois bien vite. Mais il y a aussi plein d'histoires d'accidents avec des camions de bois qui ne c'étaient pas annoncés.
La coupe à blanc est la règle ici.
Les fleurs et baies abondent aussi dans les environs. C'est impressionnant la quantité de nourriture potentielle! On fait une première cueillette de Salmonberries et de Thimbleberries. On demande la permission aux ours avant! Juste au cas où.
Pour compléter notre récolte du jour, Johnny nous offre 2 boites de saumon. Il nous conseille de le préparer en "salade", c'est à dire avec de la mayonnaise! Menu parfait : saumon "en salade" sur spaghettis (on rajoute aussi une vraie salade à côté) et cake au citron et aux salmonberries. Une majorité de produits locaux!
Mais ce que je retiendrai le plus de ce séjour, ce sont les échanges avec les gens d'ici. Je ne suis pas restée assez longtemps pour rencontrer certains d'entre eux ou pour mieux apprendre à les connaître. Tout le monde est un peu timide (moi aussi) et les gens ne sont généralement pas de grands bavards. C'est un peu déconcertant je crois pour nous qui venons d'une société ou le monde est souvent pressé ou soucieux d'occuper l'espace, et où tout vide est perçu négativement. Mais parfois, juste être côte à côte sans se parler suffit pour créer un lien ou un début d'amitié. Le temps ici prends une autre dimension et les gens ne se font pas des montagnes des petits tracas. Ils en ont vu d'autres...
John Jack fabrique des tambours, il en a toute une collection chez lui. Il a aussi plein d'histoires d'ours, de cougars, de Sasquash (c'est l'équivalent du yéti ici), de camions de bois... Il a travaillé comme bûcheron pour couper la cime des grands arbres (tout en ayant le vertige), comme cuistot dans un bateau qui l'a emmené jusqu'en Alaska...
Il m'offre un de ses tambours fabriqué en peau de chevreuil
La roue peinte sur le tambour représente l'humanité. Les 4 couleurs qui la composent (noir, rouge, jaune, blanc) représentent les couleurs de peau des hommes. Si on enlève un morceau, la roue n'existe plus... C'est tout un symbole...
Le dernier soir, nous participons à un "art potlatch" on dit aussi "potluck". Le mot potlatch vient du langage chinook et signifie donner. Il évoque un partage des richesses et une réciprocité. Ici le principe est que chacun participe, en apportant de la nourriture pour le repas commun par exemple. Et puis l'idée c'est que les différents artistes du village partagent leur travail et le montrent aux autres. Le Potlatch a lieu dans l'Isken (prononcer "ichken"). C'est la maison commune du village, avec un foyer en son centre. C'est là où se tiennent certaines réunions, rassemblements ou autres événements.
Vue extérieure
À l'intérieur
Les habitations des Xa'xtsa étaient aussi construites selon cette architecture. Elles étaient même enterrées dans le sol pour l'isolation et on y accédait par le toit.
Amelia travaille le cuir. Il faut réapprendre les techniques traditionnelles oubliées... La plupart des adultes ici ont été placés dans les internats catholiques qui avaient pour but d'arracher les aborigènes à leur culture, à leur langue. Plusieurs personnes m'ont dit : je suis un "apple indian", rouge à l'extérieur, blanc à l'intérieur.
Franky est sculpteur et a commencé à travailler sur un projet de totem pour le village. A terme, il projette aussi de sculpter les piliers de l'Isken.
Johnny confectionne des tambours
Voyant mes dessins, Walker m'offre une petite pagaie taillée dans du bois de Yellow Cedar. Je pourrai ainsi la terminer et y peindre des motifs me dit-il.
Les volontaires s'essaient à la confection de "rattle" des sortes de maracas.
Le temps semble suspendu autour du feu. Les flammes ont comme un pouvoir magnétique, c'est comme le flux incessant des rivières et torrents, on a du mal à en détacher le regard...
Walker alimente le feu tout au long de la soirée. On écoute de la musique traditionnelle, beaucoup de percussions, des rythmes qui s'étirent. Avant que l'on parte, il nous explique la valeur sacrée du feu dans la culture des peuples autochtones. C'est pourquoi on ne l'alimente qu'avec du bois. Traditionnellement, des jeunes étaient désignés pour alimenter le feu. Quand quelqu'un quittait le village, on entretenait le feu jusqu'à son retour. Et quand un habitant de la communauté mourait à l'extérieur, on allumait un feu devant sa maison jusqu'au retour de son corps... Peter, un autre volontaire, et moi quittons Tipella ce soir. Juste avant que nous partions, alors que le brasier est sur sa fin, Walker rajoute 2 buches dans le feu... Je ne peux y voir le fruit d'un hasard... "C'est aussi chez vous ici maintenant, revenez quand vous voulez". Les paroles et le geste de Walker me touchent droit au coeur...
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