AU RYTHME DES PAGAIES

Pour compléter la belle note de Mélanie et Charles sur Haida Gwaii, voici ma version complémentaire concernant notre périple en kayak : 

Dimanche 21 juillet, c'est la veille du départ... Nous attendons la journée du lendemain avec impatience, mais auparavant, il faut réussir à finir les bagages et ne rien oublier qui pourrait nous manquer pendant les jours qui nous attendent, en pleine nature dans le parc national de Gwaii Haanas. La tension est palpable et dans la cuisine de Bayview Gardens B&B, notre logement à Sandspit, c'est un peu le branle-bas de combat. Des cartons sont en attente d'être remplis : Mélanie et Charles organisent savamment la répartition des victuailles. Petit déjeuners, déjeuners, dîners... La liste des menus et des ingrédients, composée par nos soins les jours précédents est lue et relue, vérifiée et revérifiée avec méthode. En jeu, près de la moitié des repas pour les 8 personnes du groupe. Mais comment va-t-on réussir à faire rentrer tout ça dans nos embarcations? Un peu plus tôt dans l'après midi, nous avions rempli tout un charriot d'épicerie et l'avions laborieusement poussé sur le trajet le long de la route depuis le supermarché, sous l’œil amusé des locaux (et on les comprend!) à la vue de notre équipée. L'heure tourne, mais enfin tout est prêt! Le reste de nos affaires est emballé dans des grands sacs poubelle, on peut se détendre et profiter du coucher de soleil.
 
sur la terrasse de Bayview gardens B&B
  Vue sur Graham Island

C'est que nous partons pour 8 jours de kayak! Il y a de quoi être enthousiastes!

Lundi 22 juillet, 7h30. Ça commence par une heure de minibus, une rencontre avec un ours noir sur la route, puis par 4 heures de zodiac. Habillés du plus grand nombre de couches de vêtements possible, emmitouflés d'épais et grands manteaux imperméables kakis, coiffés de bonnets et chapeaux, engoncés dans des gilets de sauvetage, nous essayons de résister contre le vent qui s'infiltre partout et nous glace les os : ça y est, l'aventure commence et éprouve déjà notre résistance physique!

 Le trajet en zodiac
Le vent est froid, mais la mer est calme.

Nous arrivons à Rose Harbour, dernier petit bout de civilisation au milieu des multitudes d'îles qui parsèment la partie sud du parc de Gwaii Haanas. Mais de la station baleinière qui existait au début du vingtième siècle et qui a donné son nom au lieu (le sang des baleines colorait les eaux du port en rose), il ne reste que peu de traces visibles et aujourd'hui moins de cinq personnes vivent ici à l'année. Joanne, gérante de la compagnie Green Coast Kayaking nous accueille chaleureusement. Avec Dominique, notre autre guide, Anne de Calgary, Azad et Megan de Toronto et Mélanie, Charles et moi, les 3 frenchies d'Epinal, nous sommes donc huit aspirants kayakistes et campeurs au naturel.

A partir de maintenant, c'est un tout un autre monde qui s'offre à nous, à la portée et au rythme des pagaies. Et c'est bien pour ça que nous sommes venus jusque là : ce bout de la planète n'est accessible qu'en bateau ou en avion. Débarrassés de nos montres et de nos derniers repères de "civilisés" (adieu téléphones portables, vous êtes complètement inutiles ici), nous recentrons nos points de repère sur la lumière du jour et sur les éléments. Seules la valse des marées, la force des courants et des vents, notre fatigue et nos envies nous dictent nos départs et l'intensité de nos efforts. Le chant mélodieux des corbeaux (si si, ces ténors font bien plus que de simples croâ croâ), les cri des aigles chauves, cormorans, goélands et macareux, le souffle puissant des baleines à bosses et le clapotis des vagues constituent maintenant notre bande sonore. Dernier cordon avec le monde extérieur, la radio VHF qui permet à Jo de prendre connaissance de la météo et de garder une solution de sécurité, mais elle n'est que rarement exhibée hors de son kayak.

Reflets magiques
Macareux huppés
Aigle chauve
 Pagayeuse heureuse
 Charles et Mél
"Jo" 
 Presque chaque jour, un chevreuil nous accueille, broutant impassiblement du varech sur la plage.

Assez vite, une routine s'installe : charger les kayaks en exploitant le moindre centimètre cube de leurs casiers, les décharger, les transporter à l'abri de la marée... Monter et démonter le campement, partir à la recherche de bois flotté pour le feu, aller chercher de l'eau pour la vaisselle, préparer à manger... Désigner un petit coin, dont la chasse sera intertidale... 

 
Du bois flotté en pagaille
 La réserve de petit bois
Collecte d'eau à la rivière
Le campement
Notre tente
La cuisine (petit déj') et Azad et Mégan qui préparent un apéro
La cuisinière à bois
Le placard à vaisselle
 Les kayaks

On apprend aussi tous les petits trucs qui permettent de rester les plus secs possible : garder ses vêtements humides sur soi puis, le soir venu, les placer à ses pieds dans le duvet pour que la chaleur du corps les sèche, ne déplier son duvet qu'au dernier moment, pour qu'il ne prenne pas l'humidité dans la tente, sécher ses chaussettes près du feu, profiter de chaque rayon de soleil...

Ce qui arrive quand on est trop pressé d'avoir les pieds au sec...

Chaque journée nous apporte de nouvelles découvertes : exploration de la vie intertidale (c'est à dire dans la zone située entre les marées), sur terre avec les piscines qui accueillent toute un bestiaire à marée basse ou en kayak le long des rochers pour observer les myriades d'oursins, plusieurs types d'étoiles de mer, des moules gigantesques, des pousse-pieds, des concombres de mer, mais aussi dans des grottes où des algues prennent des reflets bleus métalliques.

Série de piscines intertidales
 Oursins et concombre de mer
 Oursin pour dégustation
Exploration d'une grotte

Les baleines à bosse nous font parfois des démonstrations : elles frappent l'eau de leur queue ou de leurs nageoires pour étourdir leurs proies! Et font parfois aussi des "filets" de bulles d'air qui trompent également les poissons.

Cétacé en action

Nous nous empressons de les imiter et la pêche est effectivement miraculeuse! Les bars sont tellement avides et affamés, qu'on n'a même pas le temps de descendre l'hameçon bien loin pour avoir une touche!

 La belle prise!
 
 De l'océan à l'assiette! Miam!

Les plages qui nous accueillent les midis ou le soir venu sont toutes plus belles les unes que les autres, et les forêts où nous plantons nos tentes toujours plus moussues!

Feu de camp et couleurs du soir...
 Tellement de mousse qu'on s'attendrait presque à y trouver blanche neige ou la belle au bois dormant...

Et enfin, pour clôturer notre immersion dans la nature, nous avons même appris et réussi (après de nombreux essais) à faire du feu sans briquet ni allumettes!
Préparation de la base qui permettra de créer et recueillir les braises (gauche), l'archet en action (droite), ça fume! Mais de là à avoir du feu...
 Même en équipe c'est difficile!
 Après beaucoup de persévérance, les premières étincelles jaillissent!
 Hourra!! Celui-là brûlera une bonne partie de la nuit!

Lundi 29 juillet, le zodiac est en vue au large de Merrican Bay. Il amène le nouveau groupe et nous transportera jusqu'à Sandspit. Ces 8 jours sont passés comme un éclair. On n'a pas envie de quitter cette belle plage, les kayaks et les gens qui nous ont accompagné pendant tout notre séjour. La vie au naturel a été un vrai plaisir (il faut dire qu'on a été gâtés avec la météo). Quel ressourcement! Si l'occasion s'en présente, c'est sûr je reviendrai pagayer à Haida Gwaii...

Moment contemplatif.

Photos : Mélanie et Stéphanie / croquis : Stéphanie

Pour un autre regard sur ce séjour, vous pouvez aussi aller faire un tour sur le blog d'Anne Georg, écrivaine de Calgary qui faisait partie du groupe en cliquant ici.

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