Bienvenue en "bear country"!

En France, la nature, la vraie, vierge et sauvage n'existe plus depuis un bout de temps (à part peut-être dans quelques rares endroits très reculés au cœur des parcs nationaux). Les paysages sont depuis longtemps façonnés par l'agriculture, la foresterie, bref par l'Homme. Villes, villages, routes et multiples chemins ruraux maillent le territoire, et il est difficile de trouver un endroit où l'on ne croisera personne. Les ours se comptent sur les doigts d'une main et les loups, même s'ils reviennent petit à petit, n'effraient encore les enfants que dans les contes de fée. C'est sûr nous ne sommes plus habitués à composer avec le sauvage!

Au Canada, c'est bien différent! Il faut bien l'avouer, rares sont les bouts de territoires qui n'ont jamais été modifiés : le développement du Canada que l'on connait aujourd'hui a d'abord débuté par la traite des fourrures (je n'imagine même pas le nombre de castors chassés pour fournir en chapeaux les européens! Et ne parlons pas des loutres de mer qui ont failli disparaître totalement de la côte pacifique ou de l'extermination des bisons dans les prairies...) pour se poursuivre par l'exploitation massive des forêts. De fait, c'est probablement la quasi totalité des forêts canadiennes qui ont fait l'objet à un moment ou un autre de coupes à blanc. Mais vue la taille du pays et la faible densité humaine, la faune sauvage et les grands espaces ont encore leur mot à dire!

Ici, il n'est pas exceptionnel de voir un ours noir au détour d'une route ou un coyote arpenter la rue au petit matin. Parfois même en ville! Alors dans les parcs nationaux, sanctuaires dédiés à la nature, la méfiance est encore plus de mise, car après tout c'est nous qui sommes en "pays ours" et pas l'inverse. Nous sommes les visiteurs, et ils sont chez eux. Dans le parc national du Pacific Rim, le ton était donné et nous avons même assisté à une conférence intitulée "ours, loups et couguars". NB : couguar = puma, soit un félin tout en muscles (jusqu'à 90kg) qui voit vos enfants comme un casse-croûte...

D'ailleurs, avec Mélanie, au détour d'un sentier aménagé dans une tourbière, nous avions pu faire connaissance avec un de ces charmants plantigrades.

Alors oubliez ça :
Et pensez plutôt à ça :
Car sous ses allures fantasmées de gros nounours, c'est un athlète : il peut courir aussi vite qu'un cheval au galop (moi pas par contre!), nager parfaitement bien, grimper rapidement aux arbres... Heureusement, les ours noirs ont encore généralement peur de l'homme, et tant qu'ils ne comprennent pas que nous sommes tendres et sans défense, il est encore possible que chacun reparte indemne de son côté. Et je confirme, à environ 10 m de celui-ci, on n'en menait pas large! Mais comme il était occupé à soulager un besoin tout naturel, il ne s'est pas intéressé à nous et nous l'avons laissé à son intimité sans demander notre reste.

Arriver dans les montagnes rocheuses, c'est passer à un niveau supérieur! 4 parcs nationaux et 3 parcs provinciaux protègent des écosystèmes d'une grande richesse! 
  
 Les parcs des rocheuses canadiennes (source : site des parcs nationaux du Canada)

Au milieu de tout ça, les villes de Jasper (5236 habitants, 1062 m d'altitude), Banff (8244 habitants, 1463 m d'altitude), Lake Louise (env. 1200 habitants, 1534 m d'altitude) et Field (env. 200 habitants, 1243 m d'altitude) et surtout plus de 3 millions de touristes qui viennent visiter chaque année les rocheuses!!!

Mais là, on ne rigole plus, car en plus des ours noirs, loups et autres couguars, il y a aussi des grizzlis! Et ceux-ci n'ont peur de rien ni personne. Alors j'ai suivi, un peu à contre cœur, les conseils des gardes du parc, j'ai acheté un "bear spray", une bombe lacrymogène anti-ours.
         
Moi : - Vous êtes sûr que c'est indispensable?
Le Garde : - Oui, moi j'en ai toujours un quand je randonne. Il faut aussi faire du bruit pour éviter des rencontres, vous pouvez chanter, crier "hey bear!". C'est ce qu'on crie aux ours en avertissement avant d'armer nos fusils et ils le savent.

Moi : - Vous pensez vraiment que j'aurai à m'en servir? 
Le Garde : - Probablement pas, mais il faut le voir comme une assurance. En cas d'attaque d'ours, c'est statistiquement 90% de chances de s'en sortir avec et 0% sans...
Moi : - Bon d'accord... Combien ça coûte?
Le Garde : - 40 $ + taxes

Moi : - Holy smoke! (ça me fait trop rire cette expression!) Quand même...
Bon c'est vrai qu'il vaut mieux prendre ses précautions, car de fait, faire cohabiter tout ces humains avec la faune sauvage n'est pas facile, d'autant plus que le sport favori de bon nombre de visiteurs est le safari photo, soit ramener la photo la plus proche possible de tous les animaux possibles, et a fortiori des grizzlis! Ce qui provoque moult bouchons sur les routes! Et des deux côtés comme ici, donc pas moyen d'y couper!
 Des mouflons au bord de la route, résultat : 1/4 d'heure d'attente...

Et tous les messages de prévention, d'explication, d'interdiction n'y feront rien... les gens veulent voir des animaux et il feront tout et n'importe quoi pour ça, même si c'est au détriment de nos amis les bêtes ou d'eux-mêmes.

Un garde du parc nous explique que des personnes ont nourri un grizzli... Celui-ci a donc compris que les sacs à dos des randonneurs contenaient de la nourriture. A chaque fois qu'il voit un humain, il fonce dessus pour récupérer son sac... Au prochain problème, les gardes devront l'abattre car il sera devenu trop dangereux... Mais ça, certains s'en fichent. Alors peu importe si nourrir un écureuil entrainera une modification de son comportement. Le temps passé à quémander ne sera pas employé à amasser et cacher des réserves pour l'hiver et peut-être ne survivra-t-il pas, mais le joyeux touriste aura son cliché. Et si vous avez le malheur de le lui faire remarquer, il vous rétorquera : "mais je lui donne de la nourriture saine!". Ah ben si c'est du bio, c'est forcément bon pour lui!

Finalement, mon bear spray n'a pas servi. Mais j'étais bien contente de l'avoir quand nous avons croisé un grizzli!
Mais il était fort occupé à manger ça :
Alors nous l'avons bien laissé tranquille et avons poursuivi notre chemin pour admirer le beau lac moraine. Ouf!

Une fois les frayeurs passées, j'étais quand même super contente d'avoir eu la chance de voir, même furtivement des ours, mouflons, marmottes et autres animaux dans leur milieu naturel. Quelle expérience!

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